Le restaurant « Les Lilas »
1920. En Italie, la situation économique et sociale de l’après guerre est d’une fragilité extrême.
Rassemblements et grèves se multiplient dans le pays.
En toute impunité, les « Chemises Noires » du mouvement fasciste de Bénito Mussolini multiplient les campagnes d’intimidation, réprimant les révoltes par des procédés sanguinaires. Ils pratiquent, entre autres, la méthode du manganello ou gourdin. C’est ainsi qu’un des quatre frères Colombo, typographe, est battu à mort lors d’une émeute de rue à Turin. Pierre, Emile et Jean, les trois autres frères décident de fuir le fascisme et choisissent de venir s’installer dans notre région.
Nés d’un père sculpteur (prestigieuse référence, il a travaillé aux décorations des frontons de la Galerie Victor Emmanuel II à Milan), ils sont eux mêmes d’excellents artisans du travail de la pierre. Ils sont recrutés par Isidore Etienne, à la recherche d’une main d’œuvre qualifiée, afin de répondre aux nombreuses commandes de monuments aux morts, consécutives à la Grande Guerre. Pierre, l’aîné, crée un chantier de granit rue de La Tâche, qui sera repris par M.Adami puis plus tard par M.Bianchetti. Jean épouse une demoiselle Antoine de Vagney, dont le papa, jardinier-horticulteur de renom ( il fut chef jardinier à Versailles ) est à l’origine des plantations de marronniers dont quelques spécimens bordent, aujourd’hui encore, le Bouchot à Vagney. Jean devient chef d’exploitation des carrières de granit rouge de Perros Guirec pour le compte d’Isidore Etienne.
Emile, quant à lui, épouse Richarde Caritey (sœur de Paul, abattu par les Allemands en 1944 sur la place qui porte son nom). Une petite Paulette nait de leur union en 1922.
Emile entreprend bientôt de s’installer à son compte, comme de nombreux Italiens le font à cette époque dans notre village : c’est l’âge d’or de l’industrie granitière. Il achète un terrain situé au carrefour de la route du Haut du Tôt et de celle de Remiremont et y aménage son chantier. Un chantier important, puisqu’il emploie une quarantaine d’ouvriers.
En 1930, il construit sa maison, proche du chantier, ouvre un café que tiendra son épouse et installe une pompe à essence. Hélas, trop ambitieuse peut-être, son affaire périclite et Emile fait faillite en 1935. En attendant le règlement judiciaire, il part travailler à Paris et lors d’un essai de meulage de granit, il meurt d’un éclat de pierre à la tête. Richarde vend le chantier à Monsieur Garet et la maison, mise aux enchères, est attribuée à un sabotier de Saulxures, Monsieur Georges Grosjean, le 28 octobre 1935. Le terrain proche de la maison est acheté par Jean Colombo qui quitte la Bretagne et à son tour monte une entreprise. Cette dernière sera reprise par son fils Hubert , de 1971 à 1994. Le 2 octobre 1959, la maison est attribuée par licitation amiable à Madame Yvette Duchêne, née Grosjean.
La maison est louée à, Monsieur Loncar, négociant en bois d’origine yougoslave. Le travail est abondant dans notre région après la guerre de 1939-1945 car de nombreux arbres( 2,5 millions de mètres cube ) ayant subi la mitraille sont devenus réceptifs au bostryche et il est indispensable de les couper pour enrayer la contagion.
La famille Loncar quitte Vagney pour aller s’installer en Moselle et la maison est vendue le 19 décembre 1963 à M. et Mme René Grégoire. Cette dernière tiendra avec son fils le café, Le Pénalty, et une petite restauration, avant de se retirer du commerce. Au décès de Mme Grégoire, la maison est vendue à nouveau. Armelle et Lionel Caldefie l’achètent sur un coup de cœur le 22 décembre 2005. Ils y apportent des modifications intérieures, conservant toutefois le sol en mosaïque de granit, symbole d’une époque révolue, et ouvrent le restaurant « Les Lilas », récompensé en mars 2009 par un « Bib Gourmand ».