Le 14 juillet 1789 à Vagney

« Rien, rien », En ce mardi 14 juillet 1789, voilà ce qu’aurait pu écrire Claude François CAPUCIN prêtre commis de la paroisse de Vagney sur son registre des baptêmes, mariages et sépultures. Aucune remarque, aucune indication, pas trace de naissance, de mariage ou de décès, tout est calme, il ne se passe rien àVagney et cela va durer ainsi trois semaines.

En cette période de l’année, les habitants sont occupés aux travaux des champs et en particulier à la récolte du seigle. Outre les artisans et commerçants, une trentaine d’ouvriers travaillent dans un atelier de tissage.

Bien sûr, quelques jours plutôt, Marie Catherine est née, elle accapare toute l’attention de ses parents, Nicolas Joseph MOUGEL, journalier à Thiéfosse et originaire de Vagney. Sa maman, Marie JACQUES de ST NABORD, au fil des jours qui passent est soulagée, en effet, les accouchements et les jours qui suivent sont difficiles pour les parturientes qui paient souvent de leur vie leur enfantement. En ce mardi 14 juillet 1789, la colère monte depuis quelques jours à Paris, le renvoi du ministre NECKER a ravivé le mécontentement, et la rumeur d’un complot aristocratique plane.

Les gens de métiers, artisans, commis de boutiques, salariés des faubourgs, pères de famille, souvent analphabètes, sont inquiets.

A 10h, des émeutiers s’emparent par la force des fusils entreposés aux invalides et de bouches à feu. Les parisiens sont désormais armés, il ne leur manque que de la poudre et des balles. Le bruit court qu’il y en a à la Bastille.

A 10 h 30, une délégation se rend donc à la Bastille, elle est reçue avec amabilité par le gouverneur Bernard de LAUNY qui l’invite même à déjeuner, mais elle repart sans avoir eu gain de cause.

A 11h 30, une deuxième délégation menée par Jacques Alexis THURIOT demande des garanties. Le gouverneur s’engage à ne pas prendre l’initiative des tirs. Mais une explosion prise à tort par les émeutiers pour une salve ordonnée par le gouverneur déclenche les premiers assauts.

A 13h30, les 112 défenseurs de la Bastille ouvrent le feu sur la foule. Pendant 3 h 1/2 la Bastille est soumise à un siège régulier. De LAUNY isolé avec sa garnison, constatant que malgré l’ampleur de leurs pertes, les assaillants ne renoncent pas, négocie l’ouverture des portes sur promesse des assiégeants qu’aucune exécution n’aura lieu.

La garnison de la Bastille, prisonnière est conduite à l’hôtel de ville, mais De LAUNY est roué de coups, massacré à coups de sabres et décapité par l’aide cuisinier DESSOT. L’événement d’importance relative sur le plan militaire est sans précédant par ses répercutions politiques et symboliques. C’est un tournant qui marque l’effondrement du pouvoir royal.

En ce mardi 14 juillet au soir à Versailles, voilà ce qu’à écrit le roi Louis XVI rédigeant son journal intime, « Rien, rien ».                

L’information, en l’absence de moyens de communication rapide, mettra de longues journées pour parvenir en Lorraine, province reculée, province française depuis à peine une petite génération, pour arriver dans les Vosges, dont tout le territoire n’est pas encore rattaché au royaume de Saint Louis, pour arriver à Vagney.

L’origine des évènements de juillet remontent à l’année précédente, les difficultés financières amènent le roi, le 8 aout 1788 à convoquer les états généraux qui s’ouvrent le 05 mai 1789. Dès la fin de l’année 1788 libelles et périodiques se multiplient, villes et villages s’informent des débats. De mars à avril 1789 des cahiers de doléances circulent dans les paroisses, corps de métiers, villes. Partout l’on dénonce le poids des impôts, on réclame l’égalité fiscale et une réforme de la justice.

A Vagney, où la population est assez instruite, il en va de même, l’on demande que les pauvres puissent subvenir à leurs besoins, l’on pointe le prix du sel, élément essentiel à la conservation des denrées, trop cher, l’on demande une extension des droits de pêche, de pâtures, d’utilisation de la forêt. L’hiver 1788-1789 a été particulièrement rude, les différents moulins de Vagney ont été encombrés par les glaces et voient leur fonctionnement fortement réduit, les habitants de la commune qui ont travaillé au désencombrement des glaces demandent donc aux meuniers et aux propriétaires de moulin d’en assumer la charge financière.      

Après la prise de la Bastille s’est développé en France une vague de révolte appelée la grande peur. Face à l’agitation qui monte et pour sortir du blocage, l’assemblée nationale constituante vote l’abolition des privilèges le 04 août 1789.

La mesure doit enfin amener plus de justice sociale, une meilleure répartition des impôts pour que le peuple ne soit pas écrasé par les multiples fiscalités, que les nobles ne soient plus exonérés. Chacun sera reconnu selon ses mérites, plus de charges militaires ou publiques réservées en fonction des quartiers de noblesse. Les justices seigneuriales sont éteintes.

Ces décisions mettront plusieurs dizaines d’années pour se concrétiser sur l’ensemble du territoire et pour le plus grand nombre.

Le Ban de Vagney se partage en une dizaine de petites seigneuries, les titulaires sont des nobles, des officiers publics et des ecclésiastiques. La vieille famille noble du Ban de Vagney les « De La Sauce » qui remonte au 14è siècle, des écuyers et laboureurs ne sont plus cités.

L’une des conséquences de la journée du 14 juillet 1789 sera le régime de la terreur, expression de la volonté populaire de préserver ses acquis coûte que coûte.

Puis, par contre coup, la France s’engagera dans l’empire autoritaire de Napoléon 1er.